Le Temps, Dimanche, 18 novembre 2007
Jeunes filles et mariage
Le mariage, romantiquement représenté par la belle robe blanche et la bague au doigt, pratiquement considéré comme un suicide, reste une institution très présente dans notre société musulmane puisque c'est le destin de tout homme et femme de s'unir.
Les temps ont changé et le mariage n'est plus un inévitable choix de vie. Les hommes sont de plus en plus célibataires ou se marient trop vieux, le nombre de filles célibataires en âge de mariage est en constante augmentation. Le rêve de la robe blanche a-t-il révélé ses limites ou bien est-il devenu simplement inaccessible ?
En tout cas cette question en tourmente plus d'un. Côté homme, c'est plutôt évident : pourquoi abandonner toutes les joies du célibat pour se mettre la corde au cou ? Mariage trop cher, fille « sur mesure » introuvable, études non achevées...les raisons sont les mêmes. C'est une autre paire de manche que de cerner les raisons du déclin de l'institution du mariage aux yeux de l'homme. La libéralisation des mœurs sexuels y est pour beaucoup...
Les filles, elles aimeraient bien un joli prince charmant pour une vie, pour le meilleur et pour le pire. Mais, de moins en moins y arrivent. Anissa, 38 ans, après l'échec d'un mariage ne croit plus en cette institution « le mariage n'est plus un engagement très sérieux et irrévocable, aujourd'hui on se marie à la va vite, parfois sur un coup de cœur ou coup de tête et on en subit les conséquences. La femme est devenue trop libérée pour croire à l'adage « vaut mieux être humiliée par son mari que laissée sous un mur ». Le rêve d'un joli mariage n'est pas en perte de succès, je connais des femmes de quarante ans qui en rêvent encore mais la réalité de cette institution a pris le dessus. Il n'y a qu'à voir les taux de divorce pour dire que le rêve s'achève trop vite et on se retrouve vite face à une impasse. Le mariage n'est qu'un jeu de hasard, on y gagne comme on y perd mais impossible de tirer des leçons, c'est l'instinct qui dicte cette dépendance au mariage. » Mais la question se situe au niveau des jeunes filles, ont-elles encore assez de romantisme pour y croire. Farah, 17 ans, pense que « toutes les filles aujourd'hui n'ont que ça en tête. C'est devenu presque une obsession, un but qu'il faut à tout prix atteindre. Dans les lycées, les filles parlent de telle fille qui s'est fiancée avec un type riche et beau, l'autre qui sort avec le fils de, d'une promesse de mariage ou de futures fiançailles. Aujourd'hui, je pense que les filles sont programmées pour le mariage, surtout que c'est devenu de plus en plus difficile de dénicher un type bien. Une camarade de classe issue d'un milieu modeste a même mis le voile pour plaire à un cousin vivant en Italie pour qu'il la prenne pour épouse. ».
Non, donc, le mariage ne faiblit pas, il reste un fort souhait qui ne demande qu'à se réaliser.
Mariées à tout prix ?
Les filles ont peur de rester célibataires, vieilles et pleines de complexes. Les mamans font des pieds et des mains pour trouver le bon parti et l'arranger pour leur fille. « bon parti », une notion de plus en plus récurrente, qui revêt le vieux rêve de la robe blanche d'un voile de calcul et de stratégie loin du romantisme et la naïveté. Rym, 24 ans, trouve que « le mariage est devenu un must, une obligation et une source de frime et de fierté. La fille qui se fiance c'est comme si elle était supérieure ; elle arbore narcissiquement sa bague. C'est tellement dur de trouver quelqu'un de sérieux et de bonne foi que celle qui tient un type et ne le lâche plus. Le mariage est devenu plus qu'un simple couronnement d'une longue relation, c'est un choix de vie pour lequel on déploie des stratégies et on use de mensonges. D'ailleurs, on dit entre filles, que telle fille « s'est tapée le gros lot » quand il s'agit d'un bon parti. Il n'y a aucun romantisme, tout n'est que peur de ne pas se trouver un mari. »
Nul besoin d'en dire plus, il est clair qu'il ne suffit pas de rêver pour réaliser. Il y a celles qui ont raté le coche et ne pourront jamais bénéficier d'une deuxième chance ; celles qui placent la barre trop haute puis la replacent trop bas quand l'âge les y oblige ; celles qui sont abonnées au charlatanisme et aux autres tours de magie de la société. D'ailleurs, l'on se demande comment les gens, dans les forums radiophoniques notamment, peuvent dire que le mariage n'est plus à l'ordre du jour, relégué au second plan après les études et le confort matériel. Que font alors toutes ces filles et femmes désespérées et frustrées ? elles s'amusent peut-être à tester la sensation extrême de l'âge limite du mariage. Tandis que ces femmes ne savent que faire pour se caser même avec un « demi-homme » plein de défauts, les hommes eux, se tapent les minettes de vingt ans et ne voient pas l'urgence, les filles il y en a des tonnes, il n'y qu'à en trouver une au moment voulu. Ghazi, cinquante ans, célibataire convaincu avoue que « le mariage ne m'arrange pas, je l'ai testé une fois, ça n'a pas marché et depuis je mène la belle vie, seul mais avec des petites copines par ci par là, des soirées et des fêtes où je trouve mon plaisir. Le mariage est bon pour celui qui peut en supporter les conséquences, mais ça ne sert à rien de s'y forcer, ce n'est pas inéluctable. Il y a de quoi s'amuser sans être obligé après de faire semblant d'être fidèle à sa bonne femme. »
Entre-temps, la vie continue, des jeunes filles se marient avec des vieux, d'autres filles se plient aux lois d'un futur époux qui est une brute ignorante, des mères et des tantes qui mettent la pression...il y a surement un anachronisme quelque part. Les deux sexes n'ont-ils plus la même vision des choses ? En tout cas, le mariage est devenu comme le pétrole, bientôt il n'y en aura plus pour tout le monde. Celui qui arrive le premier sera servi, les sceptiques pourront se croiser les doigts et attendre.
Hager ALMI